Mythes, faits et solutions concernant les images de la traite des personnes à des fins d’exploitation sexuelle

Lorsqu’il est question de la traite des personnes, il peut être quelque peu difficile de trouver des images en ligne qui représentent fidèlement la réalité à laquelle sont confrontés les victimes et les survivants, tout en tenant compte des traumatismes et en étant centrées sur les victimes. Le billet d’aujourd’hui veut déconstruire des mythes courants perpétués par l’utilisation d’images populaires. Il présente aux lecteurs des questions critiques qu’ils peuvent se poser avant de choisir une image et offre d’autres options de photos.

Une simple recherche dans Google pour des images sur la « traite des personnes » montre des photos de jeunes filles, souvent emprisonnées, attachées au moyen de cordes ou de chaînes, sans possibilité de parler. Ces images figurent sur des affiches, dans des campagnes de sensibilisation et dans des reportages sur la traite des personnes. Toutefois, la navrante réalité, c’est que, la plupart du temps, les images dans les campagnes et les articles visant à lutter contre la traite des personnes et à mieux faire connaître ce crime ne correspondent pas à l’expérience des victimes et des survivants. Puisque les images sont le moyen le plus efficace de diffuser rapidement de l’information, il n’est pas surprenant que ces images très publicisées soient dorénavant entremêlées avec les véritables récits concernant les expériences de la traite des personnes. Ces idées fausses recèlent le potentiel de façonner les interventions communautaires et individuelles ayant pour but d’enrayer ce crime ; elles peuvent influencer de manière négative la façon dont une personne victime de traite perçoit sa propre expérience et elles nuisent à la capacité des membres de la communauté de prévenir la traite des personnes, d’identifier des victimes et de comprendre les différents récits.

*Bien que ce billet porte principalement sur les images de la traite des personnes à des fins d’exploitation sexuelle, il est important de faire référence, lorsqu’on discute de la traite des personnes, à la prévalence de la traite des personnes à des fins d’exploitation sexuelle et de travail au Canada. Pour obtenir de plus amples renseignements au sujet de la traite des personnes à des fins de travail forcé, cliquez ici. Nous avons également inclus, à la fin de ce billet, des exemples d’autres images qui dépeignent la traite des personnes à des fins d’exploitation sexuelle et de travail.

 

Image : Une victime dont les mains sont attachées, avec une autre main ou un objet comme du ruban qui couvre sa bouche, ou un code-barres tatoué sur son corps

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Des chaînes, des cordes et des cages ne sont pas généralement utilisées, ni nécessaires pour la traite d’une personne. Le concept d’être attaché physiquement met à l’avant-plan un récit de libération problématique, faisant fi des réalités systémiques qui perpétuent la traite des personnes et qui maintiennent les victimes et les survivants dans des situations toxiques. Les trafiquants jouent souvent avec la psychologie des victimes dans le but de créer un attachement et de les contrôler sur ce plan. Le plus souvent, les trafiquants manipulent et contrôlent une personne en répondant à ses besoins de base les plus importants, comme l’accès à de la nourriture, à un abri, à des substances ou à une relation. Les victimes de la traite des personnes développent souvent un lien de dépendance à l’égard de leurs trafiquants et peuvent ainsi ressentir diverses émotions, notamment de la bienveillance, de la peur, de l’espoir et de la nécessité, tout en conservant dans une certaine mesure leur liberté de mouvement. Cliquez ici pour obtenir des renseignements sur la façon dont la traite des personnes se produit et pourquoi il est si difficile de s’en sortir. De plus, bien que le marquage et les tatouages soient fréquents dans l’univers de la traite des personnes en tant que symboles qui illustrent la propriété du trafiquant, il est très peu probable que le tatouage soit aussi flagrant qu’un code-barres sur une partie très visible du corps.

Question servant à guider la discussion : À quoi ressemble la traite des personnes dans votre collectivité ? Est-ce que cette image reflète la réalité de la traite des personnes dans ma collectivité ? Qu’en disent les personnes ayant vécu une expérience de traite et les travailleurs sociaux de première ligne à ce sujet ?

 

Image : Pièces sombres et désordonnées, qui ont peu de lumière, voire pas du tout

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La traite des personnes n’est pas aussi cachée que ce qu’on pourrait croire. Il s’agit d’un crime qui se produit souvent à la vue de tous, à toute heure du jour. Les trafiquants peuvent d’abord établir un lien avec une victime en ligne, dans un centre commercial, à l’école ou ailleurs dans la collectivité. Une personne peut être une victime de traite tout en demeurant encore à la maison, en fréquentant l’école ou en participant à des activités parascolaires habituelles, particulièrement dans les premières étapes de l’exploitation [voir infographie]. De plus, la traite des personnes à des fins d’exploitation sexuelle se produit le plus souvent dans des lieux accessibles au grand public, y compris des tribunes en ligne et des marchés, des hôtels, des motels, des locations à court terme, des relais routiers, des salons de massage et des clubs.

Question servant à guider la discussion : Où se produit la traite des personnes dans votre collectivité ? Y a-t-il des endroits où les trafiquants pourraient attirer et conditionner leurs victimes ?

 

Image : Un enfant, le plus souvent une jeune fille, souvent de race blanche

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Toute personne peut être victime de traite, quels que soient son âge, son sexe, son orientation sexuelle, sa race et sa culture. Bien que la traite des enfants à des fins d’exploitation sexuelle existe au Canada, de récentes données policières indiquent que la majorité des victimes de traite identifiées par la police sont des femmes âgées entre 18 et 24 ans. Il est également vrai que certains groupes de personnes sont ciblés de manière disproportionnée par des trafiquants. Par exemple, un plus fort pourcentage de femmes et de filles autochtones sont victimes de la traite de personnes comparativement à d’autres groupes, et ce, en raison du racisme, des traumatismes découlant de la colonisation et d’autres enjeux systémiques. Les jeunes sans abri, les jeunes aux prises avec des dépendances et les jeunes du réseau de la protection de la jeunesse sont aussi plus à risque d’être exploités. Il est probable que d’autres groupes soient victimes de traite, y compris des personnes transgenres et queer et des hommes, mais ces groupes sont moins susceptibles d’être représentés dans les campagnes sur la traite des personnes, menant ainsi possiblement à un moins grand nombre de divulgations et d’identifications.

Question servant à guider la discussion : À quoi ressemble votre collectivité ? Quels groupes sont ciblés par les trafiquants dans votre collectivité ? Est-ce que les images reflètent la diversité des victimes de traite ?

Image : Une femme qui semble vendre des services sexuels dans la rue

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Bien que la traite des personnes à des fins d’exploitation sexuelle se produise dans les rues, elle s’est grandement transformée au fil des ans pour passer de l’exploitation dans la rue à l’exploitation en ligne ou dans des lieux intérieurs. Il est en outre important de préciser que la vente de services sexuels n’est pas toujours une indication de la traite de personnes. Des personnes s’adonnent au commerce sexuel pour plusieurs raisons ; certaines ont fait ce choix, d’autres le font en raison de circonstances particulières, comme la pauvreté, et d’autres y sont contraintes par un trafiquant. Les victimes de la traite des personnes à des fins d’exploitation sexuelle n’ont aucun contrôle sur les actes qu’elles doivent poser et le nombre de personnes qu’elles voient, et une bonne part de l’argent, sinon le montant complet, qu’elles gagnent doit être remis au trafiquant. Notons également qu’une personne peut passer d’une étape à l’autre de ce spectre de choix-circonstance-contrainte.

Question servant à guider la discussion : « Quels sont certains des facteurs/circonstances dans votre collectivité qui pourraient inciter une personne à s’adonner au commerce sexuel ? Quel type d’image pourrait mieux refléter ces réalités ? »

 

CONCLUSION

Il y a toujours des exceptions à ces mythes et faits ; chaque expérience de traite est unique. L’expérience d’une victime ou d’un survivant peut certainement correspondre aux images dont nous avons parlé et qui nous paraissent problématiques. Cependant, ce n’est pas la norme. Si le but des campagnes de lutte contre la traite des personnes et des articles qui utilisent de telles images est d’encourager les divulgations, de découvrir de tels cas et d’empêcher qu’il n’y ait d’autres victimes, il est important que les auteurs, les journalistes et les défenseurs changent leurs images afin que ces dernières reflètent de manière plus exacte et pertinente la majorité des expériences. Il faut donc éviter de tomber dans le piège des récits trop simplistes pour que l’on puisse mieux décrire la complexité de ce crime au Canada.

S’arrêter uniquement aux signes physiques de la traite des personnes comme ceux mentionnés dans les mythes ci-dessus nuit ultimement aux victimes et aux survivants, puisque cela permet aux trafiquants et à leurs victimes de passer inaperçus dans nos collectivités. Ces symboles peuvent également accentuer le stigmate auquel sont confrontés les victimes et les survivants de la traite, qui n’ont pas nécessairement été kidnappés, pris de force ou emprisonnés physiquement. C’est pourquoi il est important de penser à utiliser des images qui représentent des personnes dans des situations au quotidien, comme une personne qui prend le métro, qui envoie des messages texte ou qui se promène dans la rue, et de s’assurer que ces images reflètent la diversité qui existe dans nos collectivités. Nous avons inclus ci-dessous des exemples d’images qui pourraient être utilisées dans des articles et des campagnes à venir.

 

  • Images de la Ligne d’urgence canadienne contre la traite des personnes téléchargeable ici)