La traite des personnes et le secteur de l’accueil

Selon un rapport de l’organisation américaine Polaris, 75 % des survivants de la traite des personnes aux États-Unis ont indiqué avoir eu des contacts avec un hôtel ou un motel au cours de leur expérience d’exploitation. On peut donc conclure que le secteur de l’accueil, qui comprend les hôtels et les motels, en plus des entreprises, des casinos, des parcs d’attractions, des croisières et d’autres événements touristiques, représente un secteur de prédilection pour les activités d’exploitation à des fins sexuelles ou de travail. Le billet de cette semaine examine certaines des raisons qui expliquent cette réalité, ainsi que des solutions qui peuvent être adoptées pour rendre le secteur de l’accueil moins attrayant aux yeux des trafiquants.

En ce qui a trait à la traite des personnes, les hôtels, les motels et les casinos sont un lieu privilégié pour faciliter les activités liées à l’exploitation sexuelle puisque les trafiquants ont le sentiment de pouvoir agir sous le couvert de l’anonymat et de la confidentialité. Pour camoufler leurs activités illicites, les trafiquants ont souvent recours aux tactiques suivantes : ils choisissent de plus grands hôtels avec du personnel occupé, ils utilisent des sites de réservation gérés par des tiers et ils réservent une chambre au nom de la victime en payant en argent comptant. Bien qu’il puisse être difficile pour ces établissements d’identifier des victimes potentielles, ils pourraient néanmoins devoir assumer la responsabilité des activités qui se tiennent dans leurs lieux.

En vertu de certaines dispositions du Code criminel, les hôtels et les autres entreprises du secteur de l’accueil pourraient être tenus responsables si des membres de leur personnel autorisent sciemment l’accès d’une personne de moins de 18 ans à l’établissement dans un but d’activité sexuelle commerciale, c’est-à-dire de traite des personnes à des fins d’exploitation sexuelle. Il n’y a jamais eu un tel recours collectif au Canada, mais ce n’est pas impossible. Par exemple, aux États-Unis, plusieurs poursuites civiles très médiatisées ont été intentées par des survivants de la traite des personnes qui ont affirmé que des hôtels avaient volontairement fermé l’œil à leur exploitation et en avaient par conséquent bénéficié.

La traite des personnes à des fins de travail forcé peut également se produire dans le secteur de l’accueil. En 2019, 43 ressortissants étrangers ont été identifiés comme des victimes de la traite des personnes à des fins de travail forcé; ils avaient été dupés et contraints de travailler pour un service d’entretien ménager dans des hôtels d’une région de villégiature en Ontario. Dans ce cas particulier, les victimes ont été exploitées par un tiers sous-traitant et les hôtels où elles travaillaient n’étaient pas au courant des abus.

Dans le secteur de l’accueil, les personnes qui sont exploitées à des fins de travail forcé mettent souvent le pied au Canada grâce à divers visas de travail qui ont pour but de remédier à des pénuries de main-d’œuvre dans les domaines de l’entretien ménager, du service à la clientèle et de l’entretien, ainsi que dans les bars et les restaurants. Si vous désirez obtenir de plus amples renseignements au sujet des risques inhérents associés aux visas de travail temporaire au Canada, nous vous invitons à lire ce billet.

Le secteur de l’accueil doit donc faire preuve de diligence raisonnable lorsqu’il fait appel à des sous-traitants et des recruteurs afin de ne pas contribuer de manière involontaire à l’exploitation de personnes. Les hôtels et les autres entreprises du secteur de l’accueil doivent aussi être informés du risque de traite des personnes dans la chaîne d’approvisionnement des biens et des produits qu’ils achètent, y compris le café, la literie de l’hôtel et d’autres types d’équipement. En vertu d’une loi proposée visant la chaîne d’approvisionnement, les entreprises canadiennes pourraient devoir respecter certaines obligations en matière de production de rapports et de conformité afin de s’assurer qu’elles prennent les mesures nécessaires pour éviter la traite des personnes dans la chaîne d’approvisionnement des biens et de main-d’œuvre.

Pour toutes les raisons susmentionnées, il est vraiment important que le secteur de l’accueil adopte des mesures dissuasives contre la traite des personnes à des fins d’exploitation sexuelle dans leurs établissements et contre la traite des personnes à des fins de travail forcé dans la chaîne d’approvisionnement en matière de main-d’œuvre. Nous avons énuméré ci-dessous quelques suggestions qui pourraient aider le secteur de l’accueil à lutter contre la traite des personnes.

 

Que peut faire le secteur de l’accueil dès maintenant pour lutter contre la traite des personnes?

Apprenez-en plus

Les suggestions ci-dessous sont des moyens pratiques que peuvent prendre les hôtels, les motels, les casinos et d’autres entreprises de l’industrie pour lutter contre ce problème :

  • Offrir une formation annuelle visant à éduquer et à sensibiliser tout le personnel (service à la clientèle et administration) qui, en plus de passer en revue les principaux indicateurs de la traite des personnes, fournit des renseignements importants sur le contexte et des facteurs à prendre en considération.
  • Afficher à l’intention des employés et des clients le numéro de la Ligne d’urgence canadienne contre la traite des personnes dans les endroits achalandés (p. ex., salles de pause, toilettes du hall d’entrée, réception, ascenseurs), ainsi que sur les affichettes de porte.
  • Consulter les personnes ayant vécu une expérience de traite pour s’assurer que l’établissement adopte des politiques et des procédures publiques centrées sur la personne qui décrivent l’engagement à lutter contre ce problème ainsi que les mesures prises à cet effet.
  • Veiller à mettre en place, pour le personnel, des politiques claires et des lignes directrices en matière de signalement en cas de soupçons d’activités liées à la traite de personnes sur les lieux de l’entreprise, au sein de l’effectif ou dans la chaîne d’approvisionnement.
  • Développer à l’intention des survivants des programmes de formation axée sur les compétences qui les aideront à dénicher un emploi légitime.
  • Faire de l’établissement un endroit moins propice à la traite des personnes (p. ex., exiger pour toutes les réservations un enregistrement en personne en présentant une pièce d’identité et une carte de crédit à titre de paiement plutôt que de l’argent comptant).
  • Offrir des points de récompense ou des bons à des organismes de bienfaisance locaux ou travailler en partenariat avec des organismes locaux luttant contre la traite des personnes et/ou des maisons d’hébergement afin de fournir un hébergement en cas d’urgence si ces dernières sont à pleine capacité.
  • Dans le cadre du processus d’attribution de permis, les gouvernements provinciaux devraient possiblement obliger les établissements à former adéquatement tous leurs employés, à consigner les transactions et à afficher publiquement le numéro de la Ligne d’urgence canadienne contre la traite des personnes.