Quels sont les risques de traite des personnes associés aux programmes de visas temporaires du Canada ?

Pour aider à combler son marché du travail, le Canada offre une série de visas accessibles aux étrangers pour autant qu’ils remplissent certaines conditions. En conséquence, des milliers de ressortissants étrangers passent chaque année par la lourde procédure administrative de l’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada. Toutefois, le simple fait de se voir accorder l’accès au marché du travail canadien ne se traduit pas toujours par un résultat positif, car de nombreuses personnes déclarent être victimes d’abus et/ou d’exploitation sur leur lieu de travail. Le blogue de cette semaine analyse certains des éléments systémiques des programmes canadiens de visa pour travailleurs étrangers et étudiants qui exposent les nouveaux arrivants au risque d’exploitation. Ce poste a pour but de donner un aperçu général des risques d’exploitation liés aux visas de travail et n’est pas censé couvrir chaque catégorie de visa individuellement.

 

Risque d’exploitation lié à la procédure de demande de visa

Les individus qui souhaitent travailler au Canada, quel que soit le type de travail qu’ils souhaitent exercer, doivent d’abord faire une demande de visa. Comme ce processus se fait généralement à partir de leur pays d’origine, les personnes ne savent pas qu’elles s’exposent déjà à une exploitation potentielle une fois arrivées au Canada. Certains peuvent avoir déjà été approchés par des entreprises de recrutement prédatrices dans leur pays d’origine et, selon le visa qu’ils demandent, ils peuvent ne pas connaître leurs droits une fois arrivés au Canada.

Certains visas ont un coût administratif qui doit être payé par le travailleur étranger ou l’employeur. Toutefois, les travailleurs étrangers qui ne connaissent pas les politiques en vigueur au Canada pourraient être illégalement invités à rembourser les frais payés par l’employeur liés à la procédure de demande ou à l’organisation du voyage. Par exemple, les travailleurs étrangers pourraient se voir obligés de rembourser les frais liés à une étude d’impact sur le marché du travail (plus de 1 000 dollars canadiens par employeur), qui est demandée aux employeurs pour certains types de visas afin de prouver qu’aucun canadien n’était disponible pour combler la pénurie de main-d’œuvre. D’autres visas, tels que les visas dans le cadre des volets agricoles, exigent que l’employeur couvre les frais de transport vers le Canada. Bien qu’illégaux, certains employeurs obligent les travailleurs à rembourser les frais de voyage et d’hébergement.

Des situations où les travailleurs se retrouvent endettés dès le premier jour peuvent également se produire si un employeur peu scrupuleux remplit lui-même les formulaires de demande de visa et ne divulgue pas certaines informations aux travailleurs. Cela limite la connaissance qu’ont les travailleurs de leurs droits une fois qu’ils sont au Canada. Par exemple, les individus travaillant dans le cadre du Programme pilote des gardiens ou gardiennes d’enfants en milieu familial peuvent ne pas être au courant des conditions et des droits liés à leur emploi si l’employeur remplit lui-même la demande, ce qui expose le travailleur au risque de manipulation, d’abus et/ou d’exploitation.

Un examen plus approfondi du Programme pilote des gardiens ou gardiennes d’enfants en milieu familial montre également comment les conditions que les personnes doivent remplir pour demander un visa pourraient exposer le travailleur à des risques d’abus. Par exemple, les personnes titulaires d’un visa sous le Programme pilote des gardiens ou gardiennes d’enfants en milieu familial peuvent obtenir la Résidence permanente après avoir travaillé pendant 24 mois comme gardien(ne) d’enfants. Comme la Résidence permanente est souvent la première étape vers l’obtention de la citoyenneté canadienne, les gardien(ne)s d’enfants pourraient être plus tolérant(e)s à l’égard des abus ou de l’exploitation sur le lieu de travail, car ils(elles) reconnaissent que le fait de quitter leur employeur actuel pourrait mettre en péril la période de probation de 24 mois, surtout s’ils(elles) prévoient des difficultés à trouver un nouvel emploi.

Récemment, le Gouvernement canadien a mis en place une mesure de lutte contre l’exploitation des travailleurs victimes d’abus dans leur situation professionnelle au Canada, sous la forme d’un Permis de travail ouvert pour les travailleurs vulnérables. Cependant, la demande d’un tel visa peut être assez difficile pour les travailleurs exploités car ils peuvent craindre des représailles de la part de leurs employeurs, ils peuvent ne pas savoir comment signaler un abus, ils peuvent ne pas avoir accès à l’internet et à des services de traduction pour soumettre leur demande, ou avoir peur de s’adresser aux autorités par crainte d’être expulsés, entre autres. Pour bénéficier de cette mesure de lutte contre l’exploitation, il incombe au travailleur de prouver de manière adéquate l’abus, l’exploitation ou l’environnement de travail dangereux.

Enfin, il est important de mentionner que des risques d’exploitation surviennent également si un visa est refusé alors que le demandeur se trouve déjà sur le sol canadien. Par exemple, les demandeurs d’asile peuvent demander un permis de travail ouvert s’ils font également une demande de statut de réfugié. Toutefois, si leur demande est rejetée et s’ils ne peuvent pas faire appel de cette décision avec succès, la nature non documentée de leur statut au Canada peut limiter leurs options d’emploi et la perception qu’ont les travailleurs de leur propre accès aux recours juridiques en vertu de la loi. Cela peut rendre les personnes sans papiers plus dépendantes de leur employeur et, malheureusement, c’est une chose que les employeurs pourraient utiliser à leur avantage.

 

Risque d’exploitation pendant le temps de travail au Canada

Une fois que le visa a été approuvé et que le travailleur arrive au Canada, il est autorisé à travailler légalement dans le pays. Pour certains, cela signifie également qu’ils peuvent être victimes d’abus et d’exploitation à ce stade du processus. Cela peut se produire principalement de deux façons.

Tout comme lors de la procédure de demande, les travailleurs peuvent se retrouver illégalement endettés auprès de leurs employeurs pour des frais accumulés pendant leur emploi. Par exemple, comme indiqué dans les exigences du visa, le coût de l’assurance maladie, du logement, du transport depuis et vers le lieu de travail, de l’assurance de sécurité au travail et des équipements de protection (le cas échéant) doivent être couverts par l’employeur pour les visas sous le volet de postes à bas salaire, entre autres. Certains employeurs pourraient profiter de cette méconnaissance des conditions de disposition des visas et des droits du travail pour obliger les travailleurs à rembourser ces frais.

L’un des facteurs qui contribuent à l’exploitation des travailleurs migrants au Canada est l’utilisation persistante de permis de travail fermés, car ils peuvent entraîner un déséquilibre de pouvoir entre l’employeur et le travailleur. Les permis de travail fermés sont la norme pour les travailleurs agricoles, mais ils sont également utilisés par les travailleurs “hautement qualifiés” dans le cadre du visa Mobilité francophone, par exemple. Alors que les permis de travail ouverts permettent à un individu de changer plus facilement d’employeur, les permis de travail fermés sont liés à un employeur spécifique. C’est pourquoi les travailleurs peuvent se sentir obligés de se conformer aux abus et à l’exploitation, car le non-respect de ces règles pourrait entraîner la fin de leur contrat, l’inscription sur une liste noire par d’autres employeurs du secteur ou le retour forcé dans leur pays d’origine. Les exemples d’abus liés aux permis de travail fermés comprennent, entre autres : travailler pour un salaire faible ou nul, entreprendre des tâches en dehors du champ d’application du contrat de travail, ne pas recevoir de congés payés, être contraint de travailler plus d’heures ou de jours que ceux mentionnés dans l’EIMT, des modalités d’hébergement inadéquates, des conditions de travail incohérentes, des conditions de travail dangereuses et l’absence d’équipement de protection personnelle, le harcèlement/l’abus/la punition/la rétribution pour avoir exprimé son opinion, et des informations incomplètes sur les droits en tant qu’employé. Enfin, les détenteurs d’un visa étudiant international sont également exposés au risque d’exploitation, car ils sont autorisés à travailler sous certaines conditions, comme par exemple un nombre limité d’heures dans un lieu donné. Cependant, ils pourraient se trouver exposés à des abus, car certains employeurs pourraient les manipuler et les forcer à travailler au-delà de ce qui est légalement autorisé, tout en menaçant les étudiants que le fait de dénoncer une telle pratique pourrait les voir renvoyés du pays, par exemple.

 

Barrières linguistiques

Les ressortissants étrangers venant au Canada pour travailler peuvent ne pas maîtriser l’anglais ou le français. Cela peut poser des problèmes pendant la procédure de demande de visa, mais aussi pendant la période d’emploi, car il existe déjà un déséquilibre de pouvoir entre l’employeur et le(s) travailleur(s) dès le départ. Certains travailleurs migrants sont incapables de lire et d’écrire en français et en anglais, et beaucoup déclarent ne pas comprendre les termes du contrat de travail qui est imprimé en anglais ou en français. La barrière de la langue peut avoir de graves répercussions sur les travailleurs du Programme des travailleurs agricoles saisonniers. Selon les règles de ce programme, un travailleur peut être transféré d’une exploitation agricole à une autre si l’employeur a le consentement du travailleur. Cependant, on peut imaginer les difficultés que pose l’obtention d’un consentement en connaissance de cause avec une barrière linguistique aussi importante.

 

Conclusion

Les exemples mentionnés ci-dessus montrent clairement que les ressortissants étrangers qui viennent travailler au Canada peuvent être exposés à un risque d’exploitation, selon le visa qu’ils demandent. Les barrières linguistiques et culturelles, les exigences strictes pour obtenir un visa et le type de visa délivré peuvent malheureusement créer un environnement où l’exploitation peut prospérer.

Éliminer les permis de travail fermés au profit de permis ouverts, rendre tous les documents disponibles dans la langue maternelle du travailleur et informer chaque travailleur venant au Canada de ses droits, en plus de garantir que tous les travailleurs temporaires ont accès à des conseils juridiques adéquats, sont autant de solutions qui pourraient être mises en place pour limiter potentiellement le risque d’exploitation et d’abus des travailleurs étrangers au Canada. Le Gouvernement canadien devrait chercher à travailler en collaboration avec les gouvernements des pays de provenance des travailleurs qui viennent au Canada, afin de s’assurer que les travailleurs connaissent leurs droits et protections avant de venir au Canada ou de signer un contrat de travail.

 

Le Centre tient à remercier Seema Sidhu et Erin Bertens, étudiantes en droit respectivement de l’Université de Toronto et d’Osgoode et Pro-Bono Students Canada, dont les recherches et l’analyse critique des différents types de visas proposés au Canada ont inspiré la création de cet article de blog.