Endettement sous la contrainte : l’abus financier des survivants de la traite des personnes au Canada

Partout au Canada, des coalitions et des organisations non gouvernementales s’efforcent de soutenir les survivants de la traite des personnes et de sensibiliser le public à ce crime. Bien qu’une grande partie du soutien et des services offerts aux survivants soient axés sur l’intervention d’urgence et de crise, l’impact de la traite sur la situation financière des survivants n’est pas toujours aussi évident et est souvent négligé. Malheureusement, l’abus financier et la contrainte qui surviennent lors de la traite à des fins de travail forcé ou d’exploitation sexuelle peuvent poser des défis extrêmes à un individu tout au long de son rétablissement.

Bien que le concept d’abus financier ne soit pas nouveau, il est généralement associé à des crimes comme la maltraitance des personnes âgées ou la violence domestique. L’abus financier se produit généralement entre deux ou plusieurs personnes qui entretiennent souvent une relation déjà existante. Au Canada, la traite des personnes à des fins d’exploitation sexuelle commerciale étant un crime relationnel – qui se déroule souvent dans le cadre d’un relation intime, d’une relation familiale, d’une amitié ou d’une relation employeur/employé -, elle comporte souvent aussi des aspects d’exploitation financière.

La traite est un crime à haut profit et à faible risque, et l’abus financier peut souvent faire partie de l’expérience de la traite, car il est utilisé pour maximiser le gain net du trafiquant et le contrôle qu’il exerce sur l’individu. Les trafiquants sont intelligents et capables de s’adapter. Ils se donnent souvent beaucoup de mal pour s’assurer que les dépenses liées à l’activité de traite sont au nom de la victime, associées à la carte de crédit ou au compte bancaire de la victime. Cela permet de maintenir le trafiquant à l’écart du crime, ce qui rend l’enquête de la police difficile et celle des institutions financières plus difficile lorsqu’il s’agit de prouver l’élément de contrainte associé aux comptes de la victime.

Lorsqu’il s’agit de la traite des personnes, on observe généralement deux types d’abus financiers perpétrés par les trafiquants, qui peuvent avoir des effets dévastateurs sur la situation financière des survivants : l’endettement sous la contrainte et l’usurpation d’identité.

 

Qu’est-ce que l’endettement sous la contrainte ?

L’endettement sous la contrainte est une forme d’abus économique qui touche toutes les transactions non consensuelles liées au crédit qui se produisent dans le cadre d’une relation abusive. Le recours à la contrainte ne requiert pas l’application délibérée d’une force physique ; la contrainte peut être de nature subtile, indirecte et psychologique. Par exemple, dans les situations d’endettement sous contrainte, une victime peut être menacée, forcée ou trompée pour louer des voitures, payer des hôtels, de l’essence, de la nourriture, un loyer, etc. Elle peut être forcée à contracter des prêts personnels, des prêts étudiants, à ouvrir des lignes de crédit ou à demander certaines prestations sociales qui sont ensuite remises au trafiquant.

 

Qu’est-ce que l’usurpation d’identité ?

L’usurpation d’identité, également appelée vol d’identité, se produit lorsque quelqu’un utilise votre nom à votre insu pour commettre des actes de fraude et/ou d’autres crimes. Dans les situations de traite des personnes, l’usurpation d’identité implique souvent qu’un trafiquant commette une fraude en effectuant des prélèvements non autorisés sur les comptes existants de la victime, notamment les cartes bancaires et de crédit, les services publics, les comptes de téléphone portable, etc. Le trafiquant peut également falsifier la signature de la victime sur de nouveaux comptes, demander des prêts en ligne, des cartes de crédit, des crédits d’impôt ou des prestations d’aide sociale. Il peut également y avoir une utilisation non consensuelle des informations personnelles de la victime, telles que les numéros d’assurance sociale, les numéros de compte bancaire ou la date de naissance. Dans certains cas, des membres de la famille, des associés ou d’autres victimes du trafiquant peuvent se faire passer pour la victime en personne. De nombreux survivants ne sont pas conscients de l’accumulation de leur dette avant de quitter leur situation de traite.

 

Impacts à long terme des abus financiers

De nombreux survivants rapportent avoir été victimes de la traite pendant leurs années charnières. Par conséquent, ils peuvent être passés à côté d’une éducation financière importante et d’expériences que la plupart d’entre nous avons lors de nos interactions avec les institutions financières et les produits de prêt à la consommation comme les cartes de crédit et les prêts personnels. Parfois, à la suite de leur expérience de la traite, les jeunes individus peuvent constater qu’ils ont été conditionnés à avoir une perception et un rapport à l’argent différents de ceux d’une personne qui n’a pas été victime de la traite. En fin de compte, la traite prive souvent les survivants d’une situation financière saine ou d’une bonne empreinte financière. Il devient alors difficile pour les survivants de faire des choses simples comme louer un appartement, recevoir un prêt étudiant pour retourner à l’école, ou même trouver un emploi.